La nouvelle saison shakespearienne à Stratford-upon-Avon
Stratford-upon-Avon est une ville-carte-postale. L’hiver en noir et blanc, la maison natale de Shakespeare reçoit la visite de quelques égarés dans le brouillard anglais, et le Royal Shakespeare Theatre, grand navire ancré sur les bords de l’Avon, ressemble à un vaisseau fantôme. Mais avec les jonquilles les couleurs reviennent et du monde entier affluent vers le théâtre, pour le grand sacrifice, tous les amoureux de Shakespeare, mais aussi des cars de touristes, pour qui la représentation du soir fait partie du circuit organisé.
Cette année, comme tous les ans, l’anniversaire de la naissance de Shakespeare (23 avril) sera célébré avec fastes, respect et amour, par la Royal Shakespeare Company. Comme tous les ans ? Pas tout à fait. Cette année, le R.S.T. fête ses cent ans. C’est en effet en 1975 que fut inauguré ce haut lieu du culte shakespearien, qui portait alors le nom évocateur de Shakespeare Memorial Theatre.
Le menu du centenaire est composé de pièces à la gloire de l’Angleterre et de son passé historique. Pièces bien faites pour remonter le moral des Anglais. La Saison débute le 8 avril avec Henry V, dont le morceau de bravoure est la fameuse exhortation d’Henry à ses soldats avant le combat : tout patriote anglais sent son cœur se gonfler d’orgueil. Les relations avec la France y sont aussi abordées, sur le mode tragique, mais surtout comique. La « rencontre au sommet » entre le Roi d’Angleterre et la Princesse française qui doit devenir sa femme, donne lieu à un « dialogue de sourds » qui n’est pas sans rappeler certains débats politiques.
Au mépris de toute chronologie, Henry V redeviendra le Prince Hal dans la seconde pièce au programme Henry IV (première partie), qui ouvrira le 24 avril. Pour connaître la suite du feuilleton et la fin du règne d’Henry IV, il faudra attendre le 24 juin. Henry IV est une pièce d’actualité : un usurpateur devenu roi, aux prises avec ses remords, se heurte à la difficulté d’être un chef d’état et le père d’un garçon turbulent et débauché. Elizabeth I, négligeant l’histoire morale et politique, fut surtout séduite par l’un des personnages les « importants » de la pièce : Sir John Falstaff, le principal héros des Joyeuses Commères de Windsor.
Vers la fin de l’été, la R.S.C. donnera donc une reprise des Joyeuses Commères de Windsor, dans une mise en scène de Terry Hands, datant de 1968. L’orchestration de la Saison 75 toute entière appartient d’ailleurs à Terry Hands, le plus jeune des metteurs en scène associés de la R.S.C.
Quant aux vedettes, ce sont toutes des « gloires maison » : tous ont, en effet, participé à plusieurs de ces « grandes machines » de la R.S.C. Alan Howard joue le Prince Hal, puis Henry V – c’est un comédien plein de fougue, un très bel Hamlet 1970. Son compagnon de beuveries, le bedonnant Falstaff, c’est Brewster Mason, dont la corpulence et la voix de basse prédestinaient, comme Orson Welles, à incarner Othello, en 1971. Son Iago d’alors était l’acteur gallois Emrys James qui tiendra cette année le rôle d’Henry IV, après une série de « villains » et un éblouissant et pathétique Roi Jean en 1974.
Malgré des rumeurs de « grand chambardement » au sein de la R.S.C., le Royal Shakespeare Theatre est un centenaire prestigieux qui se porte bien.
Article publié dans Les Nouvelles Littéraires, le 21 avril 1975.
Tuesday, 7 October 2008
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